2 textes d'évêques pour vivre ce nouveau confinement
Nantes, le 30 octobre 2020
« Ayez la joie de l’espérance, tenez bon dans l’épreuve » (Romains 12, 12)
Chers diocésains,
Notre pays, comme de nombreux pays européens, entre dans un nouveau confinement en raison de la dégradation de la situation sanitaire. Aussi, comme au printemps dernier et à compter du 3 novembre, nous ne pourrons plus nous rassembler physiquement pour célébrer l’Eucharistie et les autres sacrements. Je sais que s’exprime ici et là – et je le comprends – de la lassitude à devoir revivre une expérience éprouvante, de l’incompréhension et même de la colère (qui n’est jamais bonne conseillère !)
Aussi, je crois qu’il nous faut consentir. Qu’est-ce que consentir ? C’est accueillir une réalité que nous n’avons pas choisie et qui vient bousculer l’équilibre de notre vie, pour un plus grand bien… Nous pouvons consentir à de petites choses, mais également à de plus grandes. Par exemple, un père ou une mère de famille qui consent à ce que son conjoint parte travailler, pour un temps, loin du domicile familial parce qu’il est nécessaire que la famille dispose du nécessaire pour vivre. Et nous pourrions multiplier les exemples.
A quoi devons-nous consentir ? Le confinement imposé par les autorités politiques nous demande de consentir à renoncer à notre vie habituelle en Eglise et à l’accueil du Christ en nos vies par la pratique sacramentelle, tout particulièrement celle de l’Eucharistie. Pour quel bien ? Permettre à notre pays, et plus largement à notre monde, d’enrayer une pandémie qui menace la vie humaine. Il s’agit du primat de la charité. Le père Gilles DROUIN, Directeur de l’Institut Supérieur de Liturgie à l’Institut Catholique de Paris, écrit que ce temps de confinement nous fait vivre l’expérience du peuple d’Israël en Exil à Babylone. Celui-ci a perdu sa terre et son Temple et il se demande comment honorer Dieu, alors qu’il ne peut plus lui offrir de sacrifices. Nous découvrons, écrit-il, que « plus que l’eucharistie, pourtant si importante, si vitale, si nécessaire, ce que nos pères médiévaux appelaient la res du sacrement, à savoir la charité, est in fine plus importante que la matérialité du sacrement. Redécouvrir que la res : la charité, la belle et bonne charité si chère à Péguy demeure toujours accessible, jamais confinée. »[1]
« Consentir » ne signifie pas « se résigner ». Il est vrai que nous ne pouvons pas faire autrement que d’accueillir la réalité du confinement pour au moins un mois. Mais se résigner, c’est manquer d’espérance. Or il nous faut croire que dans tous les efforts déployés par les soignants, les chercheurs, par tous les acteurs des services à la population, dans tous les gestes de fraternité vécus au quotidien dans la simplicité et la proximité, s’exprime ce qu’il y a de plus beau en l’homme qui est pour nous cette étincelle divine, cette étincelle de résurrection. Il nous faut croire que le sacrifice consenti, non seulement nous rend solidaires de tous nos frères et sœurs souffrants à travers le monde, de tous nos frères et sœurs chrétiens qui vivent sans pouvoir communier au corps de leur Seigneur, mais qu’il participe à la lutte contre cette pandémie qui menace l’équilibre de notre monde.
Oui, il est douloureux de consentir à ne pas communier. Mais ce serait encore plus douloureux si l’Eucharistie n’était plus célébrée ! Avec fidélité, chaque jour, les prêtres du monde entier élèvent les offrandes du pain et du vin vers le Père afin qu’il les « sanctifie par son Esprit, pour qu’elles deviennent le corps et le sang de son Fils Jésus-Christ notre Seigneur, qui nous a dit de célébrer ce mystère »[2]. Ce pain et ce vin, fruits de la terre et du travail des hommes, et donc de leurs souffrances, de leurs engagements pour une terre plus belle, plus juste et plus fraternelle, le Christ en fait son Corps et son Sang, il en fait sa Vie ! Se perpétue ainsi, grâce aux prêtres, l’œuvre de sanctification du monde. Là retentit une invitation à redécouvrir ce que nous oublions trop souvent : l’Eucharistie est célébrée pour la « multitude », qui n’est pas seulement l’assemblée présente physiquement ou la multitude des seuls chrétiens, mais bien l’humanité tout entière. Aussi, je voudrais ici saluer mes frères prêtres qui demeureront fidèles à la célébration de l’Eucharistie durant des semaines de confinement. Ils sont en communion avec toute l’humanité, avec toute l’Eglise, et même si vous ne pouvez communier, la grâce du Christ ressuscité vous est mystérieusement donnée pour que vous viviez de sa charité.
Aussi, en cette période éprouvante, je voudrais reprendre à mon compte ce que vous écrivait le père François RENAUD lors du précédent confinement :
« Dans l’épreuve, soyons persévérants à louer le Seigneur et à encourager les fidèles à demeurer dans cette disposition. C’est peut-être là notre point de conversion majeur.
Cette invitation à la conversion concerne aussi notre témoignage de la charité. Aux yeux du monde, le risque serait de se situer comme un groupe identitaire qui n’aurait que le souci « du groupe ». Nous connaissons la lettre à Diognète. Notre réponse à la pandémie doit être la charité, en faisant le maximum, selon nos possibilités propres, spirituellement et matériellement, pour les mourants, les malades, les anciens, les pauvres, les personnes isolées. Le moment venu, nous saurons revenir à l’Eucharistie, non comme à un dû ou à une routine, mais comme à un don inouï.
Le besoin de célébrer exprimé par certains ne s’oppose pas à l’attention aux petits, aux malades, aux personnes seules ou isolées, à celles qui ont faim. Bien sûr, l’authenticité de la foi chrétienne s’éprouve dans les actes – « la foi, si elle n’est pas mise en œuvre, est bel et bien morte » (Jc 2, 17) mais c’est dans l’eucharistie qu’elle trouve sa source et qu’elle est récapitulée. L’« horizontal » et le « vertical » s’appellent et se nourrissent l’un l’autre en tout temps… et même en temps de pandémie.
Des germes de divisions peuvent se glisser partout (comme un virus !). N’ayons crainte de débattre, de prendre la parole ou des initiatives pour partager nos réflexions. Sans perdre de vue le témoignage que nous sommes appelés à donner au monde qui nous entoure. À ceux qui ont la foi… et aux autres.
À ce propos, au niveau national et local, les responsables religieux entretiennent de bonnes relations avec les autorités civiles. L’Eglise n’est pas victime d’un traitement défavorable. Soyons conscients des grandes difficultés auxquelles nos gouvernants doivent faire face dans les décisions qu’ils ont à prendre et continuons de prier pour eux. »
Enfin, je voudrais partager la peine des jeunes et des adultes qui ont appris qu’ils ne pourraient pas recevoir le sacrement de la confirmation en ce mois de novembre, alors qu’ils auraient dû déjà le recevoir au printemps dernier. Je les assure de toute mon amitié, de mon soutien et de ma prière. Ne vous découragez pas ! Vos accompagnateurs sont mobilisés pour poursuivre la route avec vous, l’Esprit Saint n’est pas confiné et déjà il guide votre route.
Chers diocésains, en ces temps d’épreuve, « Soyez unis les uns aux autres par l’affection fraternelle, rivalisez de respect les uns pour les autres. Ne ralentissez pas votre élan, restez dans la ferveur de l’Esprit, servez le Seigneur, ayez la joie de l’espérance, tenez bon dans l’épreuve, soyez assidus à la prière. » (St Paul aux Romains, 12, 10-12)
Fraternellement,
+ Laurent PERCEROU
Evêque de Nantes
[1] Père Gilles DROUIN, méditation pour un temps de confinement, La Croix, 8/04/2020
[2] Prière Eucharistique 3
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Mgr Wintzer : Restriction des cultes, prendre notre part aux épreuves du pays
Tribune
Mgr Pascal Wintzer, archevêque de Poitiers, dénonce un discours parfois « malsain » parmi ceux qui s’insurgent de la décision du gouvernement de maintenir l’interdiction des cultes publics.
- La Croix
- le 04/11/2020 à 13:11
Les mêmes choses produisent les mêmes effets : devant l’interdiction des liturgies publiques, exceptées les obsèques, des catholiques expriment leur souffrance. Elle est naturelle, l’eucharistie et l’assemblée chrétienne nourrissent notre foi.
Oui, nous vivons un manque, oui, ceci est douloureux, oui, l’eucharistie est essentielle à la vie chrétienne. Cependant, la circulation du virus est-elle une invention ? L’État en prend-il prétexte pour mettre en place un régime d’encadrement des libertés, dont la liberté religieuse ?
Il est légitime qu’un État, en fonction des données dont il dispose, dans le respect des lois et des règles, impose des mesures qui sont au bénéfice de tous, y compris des mesures, et c’est le cas cette année, qui restreignent des libertés publiques. Il est bien entendu possible d’estimer que ces mesures ne sont pas légitimes, ou sont excessives ; dans de pareils cas, il revient à la juridiction administrative de dire le droit.
Ce qui me gêne, au-delà d’éventuelles procédures, toujours possibles, c’est un discours que je n’hésite pas à qualifier de malsain.
On entend ou on lit que les mesures de restriction des cultes ne seraient pas dictées par des impératifs sanitaires mais l’expression d’un État laïc qui n’aurait de cesse d’encadrer voire de contrôler les cultes. Même en dehors du confinement, certains aiment à dire les chrétiens, sinon persécutés en France, mais au moins ne pouvant disposer d’une vraie liberté.
Rendre compte de sa foi est par nature toujours difficile et exigeant ; pour autant, soyons honnêtes, qui peut, en France, se dire persécuté en raison de ses convictions et pratiques religieuses ? Ceux qui le prétendent, ce sont les tenants de l’islamisme politique, qui, depuis l’étranger, décrivent la France, sa laïcité, son État comme persécuteurs de l’islam.
Alors qu’il est urgent que les musulmans français et vivant et France, ses responsables en particulier, affirment haut et fort qu’ils sont respectés et libres de vivre leur religion en France, il serait grave et même irresponsable que des catholiques adoptent un discours semblable, tout simplement parce que, non seulement il est dangereux, surtout il est faux.
Depuis trop d’années, des personnes, des groupes, ont trouvé une identité en se qualifiant de « discriminés », « victimes » de phobies diverses. Un minimum de lucidité permet de savoir qui sont les vrais pauvres, en moyens matériels, en qualité de l’habitat ou de vie familiale. Cette même lucidité permet de ne pas se tromper au sujet de ceux qui attentent à des chrétiens, non pas l’État, qui exerce sa mission protectrice, et qui doit en répondre devant le peuple et la Loi, mais les tenants de l’islam politique.